
Composée durant l’été 1905 (pour les mouvements 1, 3 et 5) et dès l’été 1904 pour les deux « Nachtmusiken » en même temps que la sixième symphonie, la 7ème symphonie est une œuvre passionnante mais souvent plus clivante que les autres symphonies. Dernière du triptyque instrumental des 5ème, 6ème et 7ème, elle passionne autant les mahlériens convaincus qu’elle peut laisser sur sa faim un public dérouté par sa complexité formelle, sa modernité et l’absence apparente d’unité dans ses différents mouvements.
Au disque, beaucoup de grandes versions, parmi lesquelles on peut citer Abbado (inoubliable avec Lucerne), Haitink (sombre avec le Concergebouw, et d’un équilibre souverain avec le Philharmonique de Berlin en 1992), Sinopoli, fascinant et habité, Jonathan Nott ou encore plus récemment Ivan Fischer avec l’orchestre du Festival de Budapest. Osmo Vänskä, avec le Minnesota Orchestra qu’il dirige depuis 2003, poursuit une intégrale Mahler (1, 2 et 5 déjà parues) du plus grand intérêt, mais dont la 7èmesemble pour l’instant l’opus le plus abouti.
Ce qui frappe d’emblée, à l’écoute de cette version, c’est la richesse de l’esthétique sonore, avec un orchestre opulent, marqué par des cuivres brillants et des cordes chaudes bien qu’un peu en retrait. A ce titre, le solo de cor ténor qui ouvre la symphonie et imprime son style à l’ensemble du mouvement est certainement l’un des plus beaux de la discographie, d’un point de vue instrumental. La mariée serait-elle trop belle pour autant ? Certes, les amateurs de plus de mystère, de clair-obscur, de contrastes dramatiques (écoutez Sinopoli !) seront déroutés, mais on ne peut accuser le chef de manquer de vision ; il maintient tout au long du mouvement cette plénitude sonore, soutenue par un orchestre attentif et parfaitement en place. Après de multiples écoutes, l’impression mitigée des premiers instants laisse place à une certaine admiration pour ce travail qui fait aussi ressortir tout ce que ce premier mouvement a de moderne et de précurseur, tout en ménageant une certaine continuité, en particulier avec le dernier mouvement.
La première Nachtmusik, dont les mesures initiales sont si délicates à équilibrer entre les cors, la petite harmonie, le tuba qui entrent progressivement, démarre vite et franchement ! La nuit, oui, mais plus méditerranéenne que nordique ou germanique. Là encore, exécution de haut vol, séduisante, qui avance et déroule la partition sans en accentuer les doutes ni les états d’âme. Quid du Scherzo, alors, si fantomatique et mystérieux (Schattenhaft) ? C’est un rythme très rapide qui est choisi ici par le chef (10’47 pour Haitink / Berlin, 9’52 pour Sinopoli / Philharmonia, 9’27 pour Kubelik / Bayerisches Rundfunk et 8’40 pour notre version). Inutile de dire que ce rythme ne permet pas de s’arrêter sur les détails inquiétants ou les atmosphères en demi-teinte de la partition, mais met plutôt en lumière l’incontestable virtuosité de l’orchestre. Mais là encore, la cohérence est de mise avec les premiers mouvements, dans une vision qui évite soigneusement de souligner les aspects nocturnes pour privilégier, au fond, lumière et clarté. La seconde Nachtmusik, pleinement interprétée dans ce sens, devient une sérénade apaisée et dont le caractère impersonnel, sinon artificiel, est parfaitement assumé. Les quelques passages plus lyriques (ex., un peu avant 200) sont retenus, avec cependant de belles couleurs orchestrales. Le tour de force de cette version s’accomplit dans le dernier mouvement, que le caractère mesuré et la neutralité des mouvements précédents auront préparé en toute continuité. Beaucoup moins de « choc » que dans d’autres interprétations, les timbales ne rompent pas un rêve éveillé… On trouve un orchestre toujours brillant, aucune lourdeur, une rare fluidité du propos. Les fanfares de cuivres (ex., 233) sont tenues et sobres, l’orchestre, agile et virtuose, semble plus à l’aise dans ce mouvement que dans tout le reste de l’œuvre. Une très belle réussite.
Que penser, en synthèse, de cette interprétation d’Osmo Vänskä ? C’est incontestablement une lecture originale, une esthétique sonore riche qui éclaire cette œuvre complexe sous un autre angle. Vision cohérente, construite dans un souci de continuité et une neutralité assumés, et dont le dernier mouvement apparait comme le plus réussi, à l’inverse de nombre d’interprétations. On pourra préférer d’autres approches, révélant davantage les profondeurs mystérieuses, la force des ténèbres, le caractère parfois martial et souvent ambigu du propos ; mais au fil des écoutes, cette interprétation se révèle convaincante et passionnante. Nous attendons avec impatience les autres opus à venir.
HLG