Les trois Lieder dédiés à Josephine Poisl (1880)
Dédiés à Josephine Poisl, fille du maître des postes d’Iglau, les trois lieder avec accompagnement de piano ont été composés en février 1880, ainsi qu’une grande partie de Das Klagende Lied, oeuvre à laquelle on se reportera pour connaître les circonstances de cette crise qui a plongé Mahler dans une fièvre créatrice intense.
A l’exception des quelques fragments qui se trouvaient dans la collection d’Alma Mahler, ce sont aussi les premières oeuvres de Gustav Mahler que nous connaissons aujourd’hui. A ces oeuvres connues, s’ajoute une Symphonie Nordique disparue et sans doute incomplète à laquelle Mahler fait allusion dans une lettre de décembre 1879.
Les deux derniers Lieder n’ont sans doute jamais été composés, peut-être à cause de la rupture avec Josephine et la famille Poisl, qui devait intervenir peut après l’achèvement, à Vienne de Maitanz im Grünen. Sans doute Mahler qui travaille alors activement au Klagende Lied, a-t-il renoncé à achever le cycle, qu’il avait probablement eu l’intention d’offrir à la jeune fille comme cadeau de Pâques. Le manuscrit est tout à fait lisible. Il s’agit de toute évidence, d’une mise au net d’esquisses originales.
Cinq Lieder pour chant et piano (1880-83)
D’après Guido Adler qui sans doute tenait le renseignement de Mahler lui-même, les cinq lieder pour chant et piano ont été composés à Vienne et Iglau « pendant et autour de 1883 », après que le musicien a quitté Laibach (1er avril 1882), et avant qu’il ne prenne son poste à Olmutz (janvier 1883)
Contrairement aux oeuvres qui les précèdent et les suivent dans la production mahlerienne, ces cinq Lieder (à l’exception de Hans und Grethe, qui reproduit presque intégralement le Maitanz de 1880) n’ont pas été composés en période de crise. On n’y trouve donc pas la même intensité expressive que dans la plupart des autres oeuvres de jeunesse de Mahler, c’est à dire Das klagende Lied, les Lieder eines fahrenden Gesellen et la Première Symphonie. A cause de leur style musical et de leur facture, il serait logique d’assigner une date plus ancienne aux Tirso de Molina Lieder qu’aux Leander Lieder auxquels ils font suite, aussi bien dans l’édition Schott que dans la copie manuscrite de la collection Rosé.
Les neuf premiers Wunderhorn Lieder (1888-1890)
La découverte par Mahler, à la fin de 1887 ou au début de 1888, dans la bibliothèque de ses amis Weber à Leipzig, de l’anthologie de « Lieder populaires » intitulée Des Knaben Wunderhorn, paraît, à distance, un événement presque miraculeux tant il comblait, à cette époque toutes les aspirations du jeune compositeur. Mahler a écrit vingt-quatre Wunderhorn Lieder en tout (y compris ceux qui figurent dans les Deuxième, Troisième et Quatrième Symphonies). Ils ont inspiré la totalité de sa production dans le domaine du Lied entre 1888 et 1901, à la seule exception du chant nietzschéen de la Troisième Symphonie.
Le premier groupe de neuf Lieder avec accompagnement de piano a été composé en partie pour les enfants de Karl et Maria von Weber à Leipzig. Mahler connaissait toutefois au moins un poème du Wunderhorn, Wenn mein Schatz Hochzeit macht, qu’il a mis en musique dans le premier des Gesellen Lieder, sans l’avouer pourtant, puisque la source poétique n’est même pas mentionnée.
Aucun des Wunderhorn Lieder avec piano n’est daté, mais l’ordre est le même que dans la première édition. Il est sans doute chronologique, comme c’est souvent le cas dans les recueils de Mahler qui ne sont pas de vrais cycles. Les derniers Lieder ont sans doute été composés à Hinterbrühl au cours de l’été 1890, car Mahler n’a pas pu composer l’été suivant, à cause du voyage qu’il a entrepris en Scandinavie. Ces premiers Wunderhorn Lieder sont plus brefs et moins élaborés que les Lieder orchestraux postérieurs. Mahler y poursuit ses tentatives antérieures, dans un style inspiré du Volkslied, mais en empruntant au Kunstlied un certain nombre de procédés. Il se contente rarement de réexposer, mais compose souvent, pour chaque strophe, une musique présentant à première vue le même caractère, alors que, en réalité, elle est complètement différente.
Dans son choix de textes, Mahler a manifesté une prédilection affirmée pour les sujets généraux, les problèmes universels, aux dépens des ballades ou des contes. C’est ainsi qu’il met surtout en musique la solitude de l’homme sur la terre, la vanité de la vie de tous les jours, la cruauté des hommes les uns envers les autres, fréquemment aussi leur sottise et leur vanité.
L’orchestration de Luciano Berio (1986-1987)
Luciano Berio a orchestré 5 des Lieder aus der Jugendzeità l’occasion des semaines Mahler de Dobiacco en 1986, puis 6 autres lieder pour l’orchestre Arturo Toscanini de Parme en 1987. Si ces arrangements de Lieder sont des oeuvres de commande, ils ne font pas moins référence à l’intérêt réel de Bério pour la musique de Mahler, comme en témoigne le troisième mouvement de sa Sinfonia de 1968, collage à partir de la Deuxième Symphoniede Mahler.
Bério juge ainsi son travail d’orchestrateur: « J’ai voulu dans mon travail mettre en lumière le pluralisme et la diversité de ces semences mahleriennes. Tantôt c’est le visage wagnerien de la Walkyrie (Scheiden und Meiden) ou l’esprit des Wesendonck Lieder (Erinnerung) qui nous apparaît, tantôt c’est un Mahler plus mûr (Nicht wiedersehen), d’autres fois un Mahler de l’avenir (Phantasie aus « Don Juan ») voire de l’improbable (Frühlingsmorgen). mon intention était de faire de l’orchestration, dans le respect et l’amour, un instrument d’investigation et de transformation. »
Mahler a écrit lui-même le poème de ce premier Lied daté du 19 février 1880. Il s’agit sans doute d’un message secret à Josephine qui se trouve à Iglau et qui, à la demande de ses parents, a cessé d’écrire à son amoureux. Le style et le contenu du poème, le contraste entre la beauté de la nature et le chagrin du poète sont typiquement romantiques. On les retrouvera dans les Lieder eines fahrenden Gesellen, que Mahler écrira quatre ans plus tard dans des circosntances à peu près semblables.