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Symphonie VI

A partir de la Cinquième Symphonie, Mahler s’est engagé sur un chemin nouveau, en renonçant non seulement à la voix humaine, mais aussi aux programmes qu’il avait jugés utiles pour faciliter l’accès à ses oeuvres. Ainsi faut-il se fier souvent à des indices très minces pour déchiffrer le sens, le « message » des trois symphonies instrumentales. Le parcours accompli par le « héros » imaginaire de la Cinquième avait paru relativement simple depuis la Marche Funèbre initiale jusqu’au joyeux Rondo-Finale : « per aspera in astra ». Dans le Sixième, en revanche, la détermination, l’agressivité du premier mouvement ne font que s’accentuer dans le Finale qui malgré tout s’achève par une défaite dont rien ne vient adoucir l’amertume. Défaite, amertume qui d’ailleurs surprennent d’autant plus que rien, dans la vie de Mahler à cette époque, ne paraît justifier un si noir pessimisme.

La composition
En 1903, l’année où il met en chantier la Sixième, Mahler a réussi à imposer définitivement son autorité et ses conceptions originales à l’Opéra de Vienne en amorçant sa longue collaboration avec le grand peintre-décorateur Alfred Roller. Comme compositeur, il commence enfin à être reconnu et vient de trouver pour ses oeuvres un éditeur, C.F. Peters, l’un des plus célèbres d’Allemagne. Malheureusement, on dispose de peu de renseignements sur la composition proprement dite de la Sixième car, au contraire de Nathalie Bauer-Lechner, Alma n’a jamais été un témoin très scrupuleux de la vie créatrice de son époux. On sait seulement que Mahler, jeune marié et désormais père d’une petite fille, est arrivé à Maiernigg le 10 juin 1903 et qu’il s’est mis presque aussitôt au travail. Alma raconte qu’il est un jour descendu du Häuschen et lui a dit: « J’ai essayé de te représenter dans un thème. Je ne sais pas si j’ai réussi, mais il faudra bien que tu t’en contentes ! » Il s’agit du second élément, majeur, du premier mouvement, un des seuls gestes résolument « positifs » de l’ouvrage. Un thème ascendant, puis descendant, énergique et volontaire, au dessus duquel Mahler a noté dans la partition : « Schwungvoll » (avec élan). Le 20 juillet, selon son habitude lorsqu’il a terminé une partie de son travail, et ressent le besoin de prendre quelque distance, Mahler quitte Maiernigg pour entreprendre un court voyage en train dans les Dolomites, emmenant avec lui sa bicyclette. Cinq semaines plus tard, lorsqu’il reprendra le chemin de Vienne, il aura achevé la Particell des deux mouvements intermédiaires, et vraisemblablement esquissé le premier. 

Au début de l’été suivant, l’arrivée d’Alma à Maiernigg est retardée de plus de quinze jours parce qu’elle est souffrante à la suite de la naissance de sa seconde fille, Anna surnommée Gucki. En ce mois de juin 1904, ciel et terre semblent s’être ligués contre Mahler pour l’empêcher de reprendre son travail. Le climat du Wörthersee est exécrable pendant ces longues journées de solitude et d’oisiveté forcée : ciels chargés, orages et pluies torrentielles. Mahler lit Dorian Gray d’Oscar Wilde et les sinistres Confessions de Tolstoi, il déchiffre Brahms et Bruckner au piano. Tous les livres et toutes les musiques qu’il lit le déçoivent, mais sa propre stérilité l’accable plus encore. Lorsqu’il se remet enfin à composer, c’est pour achever le cycle des Kindertotenlieder. Le temps passe et le compositeur de la Sixième n’a toujours pas avancé d’un pouce, tout au moins consciemment. L’angoisse souvent ressentie d’un tarissement de sa source créatrice l’obsède, tandis qu’il s’efforce de « rassembler les fragments épars de son moi intérieur ». Au début de juillet, le temps s’est rétabli, mais du coup, la chaleur est devenue insupportable. N’y tenant plus, Mahler se récompense de l’achèvement de son cycle de Lieder, en s’offrant une « excursion éclair » dans les Dolomites, juste avant l’arrivée d’Alma. Et c’est dans les paysages fantastiques des Sextener Dolomiten qu’il retrouve enfin l’élan intérieur, l’inspiration qui lui permettront de terminer la nouvelle symphonie. 

Lorsque, à la fin d’Août, Mahler s’apprête à regagner Vienne, il annonce l’achèvement de la Sixième à ses amis Guido Adler et Bruno Walter en quelques phrases brèves, mais lourdes d’une fierté évidente. Pourtant, il ne se fait déjà aucune illusion sur l’avenir de sa nouvelle œuvre qui aura autant de mal à s’imposer que les précédentes. « Ma Sixième va poser à l’avenir des énigmes que seule pourra tenter de résoudre la génération aui aura avalé et digéré les cinq premières ». Aussitôt l’œuvre terminée, il prend solennellement le bras d’Alma et monte avec elle au Häuschen pour la lui jouer. Elle affirme avoir été émue jusqu’au fond de l’âme par cette partition, la plus « foncièrement personnelle » de toutes, celle « qui a jailli le plus directement de son cœur ».

Une jeune amie d’Alma a laissé un témoignage très détaillé sur la vie estivale de Maiernigg en 1904. Mahler joue Bach au piano, il récite pour ses proches des poèmes de Goethe, il se promène en barque sur le lac. C’est donc en apparence l’été le plus harmonieux de tous ceux qu’il a passés en Carinthie. Comment donc expliquer que ce soit celui-même où il a composé la plus tragique de toutes ses oeuvres? Selon Alma, il aurait reconnu plus tard dans les trois coups de marteau du Finale un signe prémonitoire des trois blessures que le destin allait lui infliger en 1907 : la mort de sa fille aînée, le diagnostic d’insuffisance cardiaque et le départ de Vienne. Quoi qu’il en soit, aucune de ces catastrophes ne s’est encore produite lorsque deux ans plus tard, au mois de mai 1906, Mahler se rend à Essen, dans la Ruhr, pour diriger la création de la nouvelle Symphonie au Festival de l’Allgemeiner Deutscher Musikverein. Et pourtant, Alma décrit son état presque pathologique pendant les répétitions, son inquiétude, sa nervosité, sa tristesse, son instabilité, les doutes qui ne cessent de l’assaillir et de le torturer. Tous les jeunes musiciens réunis autour de lui s’efforcent de l’entourer, de le conseiller et de le soutenir pendant les répétitions. Plus encore que d’habitude, il polit et corrige sans relâche les détails de l’orchestration. A en croire Alma, il dirige « presque mal » la première audition, « parce qu’il a honte de sa propre émotion et craint qu’elle ne le submerge pendant l’exécution ». Après le concert, le chef hollandais Willem Mengelberg s’inquiète de son état. Tout se passe comme si l’œuvre maléfique n’inspirait que terreur à son créateur. 

La Sixième Symphonie de Gustav Mahler comporte quatre mouvements:

  1. Allegro energico, ma non troppo. Heftig, aber markig.
  2. Scherzo : Wuchtig.
  3. Andante moderato.
  4. Finale: Sostenuto; Allegro moderato; Schwer; Marcato; Allegro energico.

Les commentaires d'Henry-Louis de La Grange

La forme

Par rapport aux symphonies précédentes, on pourrait à première vue considérer comme un retour aux normes classiques la forme en quatre mouvements de la Sixième, alors que la Cinquième en comptait cinq, et la Troisième, six. Cependant, lorsqu’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que l’œuvre dépasse en hardiesse tout ce que Mahler a produit jusque là, ne fût-ce que par les dimensions du Finale. Pendant les répétitions d’Essen, Mahler a paru instable à son entourage. Il hésite même sur une question aussi fondamentale que l’ordre des mouvements intermédiaires. La première version, celle que l’on adopte en général aujourd’hui, enchaînait Allegro, Scherzo, Andante et Finale. Néanmoins, à Essen, Mahler a vraisemblablement subi l’influence de quelques amis qui lui ont fait remarquer le parallélisme frappant qui existe entre le début du Scherzo et celui de l’Allegro initial. Il s’est donc laisser convaincre de placer l’Andante en second, ordre qu’il maintiendra lors de la seconde audition de Munich, au mois de novembre. Quelques semaines plus tard, au mois de janvier 1907, au cours des premières répétitions précédent la première viennoise, il se décide pourtant de rétablir l’ordre initial des mouvements et priera son ami le chef hollandais Willem Mengelberg de le considérer désormais comme définitif. Ces hésitations, ces changements d’avis, ne font que confirmer le témoignage des contemporains. Comme cela a souvent été le cas, Mahler s’est senti, en composant la Sixième, l’instrument d’une force qui le dépasse. Mais il s’agit cette fois d’une force mystérieuse, tragique, implacable, et qui le plonge lui même dans une angoisse insurmontable. 

Un programme malgré tout ?

Quelle est donc cette force contre laquelle les héros symphoniques sont tenus de lutter, et à laquelle il leur arrive de succomber, comme c’est le cas à la fin de la Sixième Symphonie? Une seule phrase de Mahler révèle qu’il s’agit d’un combat que lui même a mené : après la générale, un de ses amis l’interroge : « Mais comment un être aussi bon peut-il exprimer dans son œuvre tant de cruauté et de dureté?  » et Mahler de répondre : « Ce sont les cruautés que j’ai subies et les douleurs que j’ai ressenties ! ». On pense de prime abord à cet ennemi que Mahler a pourfendu sans relâche et pendant toute sa vie, la force hostile et souvent redoutable, de la médiocrité, de l’inertie, de l’habitude, de la routine, celle de l’Alltag (le quotidien). Mais, dans la vie même de Mahler, un drame tout à fait concret est en train de se dessiner, c’est celui de sa mésentente avec Alma, cette radieuse et spirituelle créature qu’il a, peut-être un peu hâtivement, résolu d’épouser trois ans auparavant. Car Alma a mené et mènera jusqu’au bout à ses côtés une existence étrangère à ses aspirations. Et puis bien des années plus tard, elle lui jettera un jour à la face toutes ses rancoeurs et ses frustrations. Dans ses deux livres, elle ira même jusqu’à lui reprocher d’avoir voulu détruire en elle toutes les forces vitales. 

Plan. Unité cyclique

Toute œuvre d’art digne de ce nom a pour devoir de satisfaire deux exigences contradictoires, l’unité et la diversité. Dans la Sixième Symphonie, Mahler répond à l’une et à l’autre avec des solutions toujours magistrales et toujours nouvelles. Jamais auparavant il ne s’est soucié de créer un réseau d’inter-relations cycliques entre les différents mouvements, et de puiser dans un « réservoir » somme toute très réduit, de cellules thématiques une infinité de thèmes et de motifs. Il s’est attaché, dans la Sixième, « à obtenir d’un minimum de matériau d’origine, un maximum de caractères différents ». Deux « leitmotive » caractérisent les mouvements extrêmes de la Sixième. D’emblée, Mahler définit le caractère négatif, pessimiste de l’ouvrage en inversant l’enchaînement traditionnel des deux modes, c’est-à-dire en faisant précéder l’accord mineur d’un accord majeur. Cet enchaînement majeur-mineur reviendra d’innombrables fois, presque toujours accompagné d’un autre leitmotiv, cette fois rythmique.

L'instrumentation

Un mot sur l’effectif orchestral que Mahler exige pour la Sixième. Si l’effectif des bois est relativement normal, l’ensemble des cuivres est particulièrement nourri, avec 8 cors, 6 trompettes, 4 trombones et un tuba. Mais c’est surtout la famille des percussions qui atteint, dans cette symphonie, des dimensions inusitées. Elle comprend deux paires de timbales, une grosse caisse, un triangle, des verges (ruthe), un tam-tam et, pour la première fois dans l’œuvre de Mahler, des cloches de vaches et des cloches graves à hauteur indéterminée. C’est aussi la première fois que Mahler fait appel, dans son œuvre symphonique, au célesta, instrument de la famille des metallophones, dans lequel des lames de métal placées sur des boîte de résonance sont frappées à l’aide de marteaux actionnés par un clavier. Au célesta, il faut encore ajouter le xylophone et le fameux marteau dont Mahler attend des « coups brefs et puissants, avec une résonance sourde de caractère non métallique, comme un coup de hache ». Il a tout d’abord expérimenté avec une énorme caisse en bois qu’il a fait fabriquer et couvrir de peau. Mais le résultat n’étant pas concluant, il lui a fallu renoncer à l’utiliser. Au concert, ces coups de marteau qui ont fait couler tant d’encre sont très rarement audibles et il est probable que Mahler aurait accueilli avec joie un son d’origine électronique. Dans une des dernières versions de l’ouvrage, il a d’ailleurs supprimé le dernier coup de marteau, ce qui montre bien l’importance toute symbolique qu’il accordait à ces coups. 

Analyse

-1- Allegro energico, ma non troppo. Heftig, aber markig [Véhément, mais plein de sève], 4/4, la mineur.
Il s’agit à première vue d’un Allegro en forme-sonate classique et équilibrée, avec une exposition sagement conclue par une double barre de reprise. Derrière cette apparence rassurante se cachent en fait bien des innovations : Mahler y prend définitivement congé du monde du Knaben Wunderhorn, que l’on entrevoyait encore dans quelques épisodes de la Cinquième. Plus trace ici de légende, ni de souvenirs, ni de nostalgie du passé, mais un monde cruel, presque sans séduction : des thèmes anguleux, parfois même ingrats, caractérisés par leurs vastes intervalles, par des rythmes obstinés et une atmosphère tendue, crispée et douloureuse. Le héros symphonique « part en guerre » sur un rythme de marche énergique, scandé par un instrument à percussion emprunté aux musiques militaires, la caisse claire. Après la double exposition du thème principal survient, au bois, un thème de transition, un « pont » en forme de choral, mais absolument étranger à la tradition du genre, avec son formalisme creux et ses harmonies insolites. Contrairement à ces chants de triomphe et de foi qui jouent un rôle essentiel dans les symphonies de Bruckner, c’est un choral « négatif » et donc l’une des innovations les plus frappantes de cette symphonie. Comme l’a montré Adorno, il ne mène à rien et ne « prépare » rien, surtout pas le thème « d’Alma » dont l’intrusion sera parfaitement imprévue. 

Le second élément thématique appartient à la grande famille des motifs ascendants (donc optimistes), qui a déjà donné naissance au thème du Finale de la Première et à celui de la résurrection de la deuxième. Plutôt qu’Alma, il semble incarner l’idée que Mahler se fait (ou veut se faire) de son épouse. Car ce n’est ni le charme, ni la beauté radieuse de sa jeune compagne qu’il évoque, mais plutôt un optimisme volontaire, et pour tout dire un peu contraint. Sans doute Mahler a-t-il déjà deviné qu’Alma ne conserverait pas toujours ce rôle idéal de sœur d’armes, de « compagnon sur tous les chemins » qu’il lui avait trop ingénument confié… D’ailleurs quelques éléments du premier thème se mélangent bientôt au second, et ils en atténuent bientôt le caractère « positif ».

Un épisode du développement mérite l’attention, ce moment de calme idyllique où le bois et les vents échangent des bribes et des variantes du thème d’Alma, sur un fond de trémolo de violons. On y entend pour la première fois les cloches de vaches, symbole d’isolement bienheureux au dessus de la « mêlée » humaine. A la fin du mouvement, la conclusion majeure revêt une allure plus emphatique que vraiment triomphale, comme si le « héros » voulait se convaincre d’avoir vaincu, sans croire vraiment à son triomphe. 

-2- Scherzo : Wuchtig [Pesant], 3/8, la mineur.
Alma nous a livré pour ce mouvement une « clef » aussi peu convaincante que possible, les « jeux arythmiques » de deux petites filles dans le jardin de Maiernigg. En 1903, date certaine de la composition des deux mouvements intermédiaires, Anna n’est pas encore née et, quant à Putzi, elle n’avait encore que huit ou neuf mois… On serait plutôt tenté de voir dans ce scherzo une « Danse des morts » d’inspiration médiévale, une « Danse des morts » qui prolongerait la tradition instaurée par la « Marche funèbre à la manière de Callot » de la Première. J’ai dit « Danse », mais il faut bien pourtant admettre que cet étrange Scherzo ne danse jamais vraiment, ou plutôt qu’il danse en boitant car le rythme ternaire est sans cesse contrarié par des accents placés sur les temps faibles. Le climat général est lugubre et grimaçant, et l’orchestration y contribue, avec des instruments aux sonorités aigres ou caricaturales, comme la petite flûte, la clarinette en mi bémol et le xylophone. Avec ses changements de mètre, son instabilité rythmique, ses contrepoints cérémonieux et surannés, le trio (Altväterisch [A l’ancienne], Fa majeur) n’est guère moins inquiétant. On croirait voir évoluer, avec une gaucherie pathétique, des marionnettes dérisoires et vêtues d’habits poussiéreux.

-3- Andante moderato, 4/4, mi bémol majeur.
Dans l’univers hostile et cruel de cette Symphonie, cet Andante introduit le seul véritable contraste. Son lyrisme épanoui en fait même le seul authentique « mouvement lent » de Mahler avec celui de la Quatrième. Le thème initial souvent accusé à l’époque de « banalité », a été analysé en détails par Schönberg qui en souligne les asymétries, les ellipses et surtout le fait qu’il n’est jamais « réexposé » sous sa forme initiale. Du point de vue mélodique, il appartient encore à l’univers des Kindertotenlieder, même si l’on ne retrouve pas ici le même climat de deuil. Deux épisodes se succèdent et s’opposent, le premier aux cordes, et le second en mineur aux vents, mais ils vont bientôt se mêler et même se confondre. Les triolets qui tournent sur eux-mêmes, les trilles d’oiseaux et les cloches de vaches évoquent le calme bienheureux de la nature, dans laquelle Mahler puisait une grande partie de son énergie créatrice.

-4- Finale : Sostenuto ; Allegro moderato ; Schwer [Lourd] ; Marcato ; Allegro energico; 2/2, la mineur.
Il s’agit d’un morceau de dimension épique (près de quarante minutes), le plus étendu de Mahler, à l’exception de la seconde partie de la Huitième, dont la forme est conditionnée par le texte de Goethe. L’immense « roman » symphonique, dont le souffle et le raffinement compositionnel excède tout ce que Mahler a créé jusqu’ici, est ponctué de quatre retour de l’Introduction lente. Le début de l’Introduction nous plonge dans la nuit la plus noire, dans un chaos de fin du monde. Des bribes de thème surgissent de l’obscurité pour y retomber aussitôt. Après le grand « cri » initial des violons, qui ne s’élève vers l’aigu que pour retomber ensuite vers le grave des violoncelles, on entend successivement le double leitmotiv, l’un harmonique et l’autre rythmique, de l’ouvrage; puis un motif de saut d’octave, au tuba, souvenir du thème initial du premier mouvement, puis encore un motif d’arpège, emprunté au Scherzo, et enfin une anticipation du second thème, seul élément « optimiste » de ce Finale. Toutefois, l’élément le plus frappant de cette Introduction est sans conteste l’épisode schwer, aux vents, un nouveau choral, encore plus paradoxal et « négatif » que celui du premier mouvement. Que symbolise-t-il ? La résistance de la matière ? Le destin implacable auquel nul homme n’échappe ? La Mort ? En tout cas, son immobilité, sa rigidité, son formalisme et ses timbres graves lui donnent un caractère profondément hostile.

Le thème principal de l’Allegro est composé de tous les éléments déjà connus. Dans la première reprise de l’Introduction, le « cri » initial, inversé (descendant puis ascendant, et harmonisé différemment) introduit le développement, mais toute tentative d’analyse succincte doit ici s’interrompre. En effet, ce développement est à la mesure de l’ensemble puisqu’il compte près de 300 mesures sur les 822 du Finale tout entier. Deux coups de marteau séparent les grandes sections de cette prodigieuse mêlée. Dans la reprise, qui est considérablement abrégée, l’ordre des deux éléments thématiques principaux est inversé, le majeur précédant le mineur comme un leitmotiv principal de l’ouvrage. 

Une dernière variante du « cri » initial, accompagné dans ses dernières mesures par le leitmotiv majeur-mineur et le rythme lancinant du second, annonce la catastrophe finale. Aucune musique connue ne dépasse cette coda pour ce qui est du dépouillement et de la désolation. Le motif de « saut d’octave » au ralenti est échangé par les instruments les plus grave de l’orchestre, dans une sorte de thrène lugubre, de chant funèbre accablé. Tout se termine par une dernière reprise du motif d’octave, cette fois aux cordes graves, reprise qui sera brutalement interrompue par un puissant accord mineur (non précédé cette fois du majeur) scandé par le leitmotiv rythmique en diminuendo. Tout est consommé dans le désespoir, la nuit de l’âme, la défaite qu’illustre ce rythme lancinant.

Y a-t-il lieu de spéculer encore sur le sens de cette conclusion qu’Adorno sous-titre « tout est mal qui finit mal ? » Je pense pour ma part que chaque être humain traverse de tels moments de désespoir absolu, et que Mahler est ici lui-même, tout autant que les accents triomphaux de la Huitième Symphonie. Le créateur se devait d’emprunter un jour cette voie de ténèbres pour découvrir dans les oeuvres suivantes, d’autres chemins menant à de toutes autres issues. La noirceur de la Sixième était une étape indispensable à son évolution. Elle allait le conduire à l’optimisme rayonnant de la Huitième et, plus tard, le mener tout naturellement vers ces « horizons bleutés », vers cette perspective lumineuse qui, à la fin du Chant de la Terre, ouvre sur l’éternité.

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